Quels débouchés pour le blé ukrainien ?

L’accord qui permet l’exportation de céréales ukrainiennes via la mer Noire est « de facto terminé » a fait savoir Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin ce lundi. Pour sa part, le président ukrainien a affirmé que Kiev était disposé à continuer les exportations : « Même sans la Russie, tout doit être fait pour que nous puissions utiliser ce couloir en mer Noire. Nous n’avons pas peur. » a déclaré Volodymyr Zelensky. 

Négocié en juillet 2022 sous l’égide de l’ONU et prolongé en novembre 2022, mars et mai 2023, l’accord doit prendre fin ce lundi à minuit. Des centaines de millions de personnes dans le monde « vont payer le prix » de la décision russe, a dénoncé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres 

Retour cartographique sur un accord historique. 

L’Ukraine est un important producteur mondial de céréales et notamment de blé. Lorsque la Russie envahit le pays en février 2022, elle instaure un blocus maritime en mer Noire. Le Président Zelenski indique alors que ce sont « entre 20 et 25 millions de tonnes de céréales » qui sont bloquées dans les ports ukrainiens. De nombreux pays dépendent directement de ces denrées. Un accord est finalement trouvé entre la Russie et l’Ukraine le 22 juillet 2022. Ce dernier permet la création d’un corridor sécurisé pour exporter le blé ukrainien. Alors que l’accord arrive à expiration le 18 mai 2023, la Russie na pas donné son aval à un troisième renouvellement.

Le « chernozem » ou la « terre noire » est une terre enrichie en matière organique qui a valu à l’Ukraine sa réputation de grenier à blé. Cette terre, considérée comme la plus fertile d’Europe, couvre 22 millions dha et représente 64 % des terres arables du pays. Au printemps 2022, alors que la Russie concentre ses forces à l’Est et au Sud du pays, le monde redécouvre l’importance de la production de céréales ukrainienne. Le 16 juin 2022, c’est 36% des terres noires qui sont sous contrôle russe. 

russe

Au-delà de l’impact sur la production, les difficultés d’exportation inquiètent les pays qui dépendent de ces denrées alimentaires notamment au Moyen-Orient et en Afrique. L’Ukraine, mais également la Russie, exportent à eux deux un quart du blé mondial. Or, les blocus dans les ports ukrainiens, combinés aux sanctions occidentales contre la Russie perturbent l’approvisionnement de nombreux pays. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, avait déclaré que 44 millions de personnes dans 38 pays étaient confrontées à des « niveaux d’urgence de la faim ». Une situation qui avait également conduit à une explosion des prix des denrées alimentaires. LONU estimait ainsi que les prix des aliments de base avaient augmenté de 30 % en moyenne dans ces régions.

Le 22 juillet 2022, sous l’égide de la Turquie et de lONU, la Russie et lUkraine sont parvenus à un accord. L’initiative sur les céréales de la mer Noire est signée à Istanbul. Deux textes identiques mais séparés sont signés, à la demande de lUkraine, qui refuse de parapher tout document avec la Russie. L’accord permet aux cargos de traverser la mer Noire en toute sécurité à destination et en provenance des ports d’Odessa, de Chornomorsk et de Yuzhny/Pivdennyi. En contrepartie, la Russie obtient la garantie que ses exportations d’engrais et de produits agricoles ne soient pas impactées par les sanctions occidentales. 

Concrètement, un corridor sécurisé est défini pour permettre aux navires de circuler en mer Noire sans être attaqués par la Russie ou l’Ukraine. À Istanbul, un centre conjoint de coordination est créé. Il regroupe des représentants des parties signataires (Ukraine, Russie, Turquie et l’ONU) qui inspectent la cargaison et le personnel de chaque navire, en provenance et à destination de la mer Noire. Dès le lendemain, le port dOdessa est visé par des tirs de missiles attribués par lUkraine à la Russie. Néanmoins, les premières expéditions de céréales commencent début août via le corridor, long de 310 milles nautiques et large de trois milles nautiques. Prévu initialement pour une durée de 120 jours, laccord prévoit une prolongation automatique « pour la même période sauf si une des parties notifie à l’autre son intention d’y mettre fin ou de la modifier ». Il avait ainsi été reconduit de 120 jours à la mi-novembre 2022 malgré une brève interruption du 29 octobre au 2 novembre en raison d’une attaque de drones menée par l’Ukraine dans la baie de Sébastopol. Le 18 mars 2022, alors que la seconde période arrivait à son terme, il avait de nouveau été prolongé. Le 13 mars, la Russie, mécontente de l’application d’un deuxième accord devant faciliter ses propres exportations d’engrais, avait fait savoir qu’elle acceptait seulement une reconduite de 60 jours.